Une visite guidée dans le Livre des Contes par un gardien quelque peu surmené.
- Autrice: Christine Schneider
- Illustration: Hervé Pinel
- Édition: Saltimbanque
- Date de parution: 11.10.2024
- Degrés conseillés: 3H-8H
Une immersion dans l’univers des contes, entre potentiel et retenue
Christine Schneider nous invite dans Le Gardien des contes, un ouvrage à la croisée des chemins entre hommage aux classiques et proposition ludique. Porté par les illustrations détaillées et pleines de caractère d’Hervé Pinel, le livre joue avec les frontières de l’imaginaire et la réalité des contes populaires.
Résumé
Le lecteur est accueilli par un personnage atypique, le Gardien des contes, chargé de veiller au bon déroulement des histoires de Perrault, Grimm et Andersen. Mais voilà, rien ne se passe comme prévu : les Trois Petits Cochons transforment des pages en plans d’architecture, Blanche-Neige et la Belle au bois dormant préfèrent pique-niquer avec le Loup et le Chasseur plutôt que jouer leurs rôles, et même les nains ont délaissé leur mine au profit du jardin de Mère-Grand. Ce chaos apparent culmine dans une surprise finale : les personnages, complices des auteurs, organisent une fête en l’honneur du 203ᵉ anniversaire du Gardien, laissant entrevoir un univers aussi débridé que chaleureux.
Analyse critique
Dès l’ouverture, Le Gardien des contes frappe par sa capacité à établir une connexion directe avec son lecteur. Le bris du quatrième mur engage une complicité immédiate, renforçant une immersion dans un univers qui évoque à la fois la nostalgie des contes classiques et la promesse de quelque chose de nouveau. Le ton est accessible mais non infantilisant, un équilibre délicat et réussi.
Le cœur du livre repose sur les références aux contes traditionnels, un jeu d’intertextualité qui ravira les amateurs éclairés. Les interactions entre personnages de récits différents – L’Ogre et les frères du Petit Poucet, par exemple – ouvrent des perspectives intéressantes, où les frontières narratives se dissolvent pour offrir une vision plus large et plus libre des contes. Cette liberté est également accentuée par les illustrations d’Hervé Pinel : leur style d’inspiration classique, leur richesse en détails et leur mise en scène grand format (A4+) captivent, renforçant le caractère intemporel de l’ouvrage.
Cependant, cette promesse initiale est freinée par une chute qui manque de souffle. Après le joyeux désordre instauré dans les contes, tout rentre dans l’ordre… mais sans véritable transformation ni réflexion sur le chaos créatif qui précédait. Ce retour au statu quo donne au récit un goût d’inachevé, comme si les portes de l’imaginaire s’étaient brusquement refermées. Si le concept ouvre une infinité de possibles, l’histoire elle-même ne s’autorise pas à les explorer pleinement.
Un potentiel sous-exploité mais une invitation séduisante
Le Gardien des contes est un bel objet littéraire, tant par son esthétique que par son ambition de revisiter les classiques sous un angle ludique et moderne. Toutefois, son intrigue peine à s’éloigner des sentiers battus, et la richesse des interactions entre personnages n’est qu’effleurée. On ressort du livre avec une envie : découvrir d’autres aventures de ce Gardien et de ses personnages en quête de liberté.
Ludique et accessible, cet ouvrage pourra séduire un large public, de l’enfant curieux à l’adulte nostalgique, tout en ouvrant une porte vers des réflexions plus profondes sur la manière dont les contes peuvent être réinventés. Il ne reste qu’à espérer que Christine Schneider et Hervé Pinel prolongent cette aventure dans de futures explorations.
Matthieu Juilland 1.5F
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