« Je pensais qu’ils seraient plus autonomes en 5H ! ». Réflexion assez spontanée d’une étudiante que j’accompagne dans le cadre de sa formation à la Haute Ecole pédagogique au retour d’un stage… Certes, on attend de l’enfant qu’il grandisse et devienne autonome. Cela semble un but en soi, une mission importante de l’éducation, et donc aussi de l’école. Oui, mais c’est quoi l’autonomie ? Cette question, je l’ai posée à l’étudiante en question, qui il faut l’avouer s’est sentie un peu empruntée. Pas si évident de définir ce qui était entendu par autonomie, alors que c’est un terme souvent utilisé et que tout le monde pense connaître. Alors, en quoi consiste l’autonomie ? Comment devient-on autonome ? A l’école, suffit-il de retrouver facilement ses crayons car ils avaient bien été rangés et de se mettre rapidement au travail après une consigne donnée par l’enseignante pour parler d’autonomie ?
Etre ou devenir autonome semble encore fréquemment relié au fait d’être capable de s’organiser, d’effectuer par exemple un trajet seul pour les plus jeunes, d’être capable de prendre un bus pour se rendre d’un point A à un point B, de s’habiller seul ou de préparer un repas complet suivant l’âge de l’enfant ou du jeune, d’organiser un voyage etc. Force est de constater que les représentations de l’autonomie demeurent encore très souvent centrées sur une vision très organisationnelle et normée des choses : à tel âge, l’enfant doit être capable de faire telle chose. L’enfant est souvent considéré comme autonome quand il sait faire certaines choses considérées importantes ou normales pour son âge, et qu’il les fait bien. L’enfant autonome serait ainsi capable de faire seul, voire de sa propre initiative, une série de tâches qui sont demandées ou attendues par les adultes, à un moment donné et dans un contexte donné.
Bien qu’il ne faille pas rejeter cette vision de l’autonomie, la considérer au niveau organisationnel essentiellement n’est pas suffisant. Pour avancer sur ce chemin de l’autonomie et englober l’idée d’une autonomie tant intérieure qu’extérieure, le concept d’autodétermination est extrêmement intéressant. Il consiste essentiellement à « se gouverner par ses propres lois ». Ainsi, selon Deci et Ryan (2012), une personne autodéterminée
- Initie elle-même ses actions et résout ses problèmes
- Choisit elle-même ses actions, les planifie, les met en place et en évalue les résultats
- Croit en ses capacités et se valorise
- Se connaît et répond à des motivations intrinsèques (attentes personnelles) plutôt qu’à des motivations extrinsèques (attentes de l’entourage)
Il est toujours intéressant d’essayer de définir un concept par ce qu’il n’est pas. L’autodétermination ce n’est pas l’indépendance, se débrouiller seul, sans aide. C’est être à l’origine de ses comportements et y adhérer totalement. Par exemple, par rapport aux règles, si l’enfant comprend l’importance de la règle, il peut s’autoréguler et se sentir authentique et en cohérence avec lui-même. Être autodéterminé, c’est aussi acquérir une autorégulation émotive : en reconnaissant les émotions au lieu de tenter de les supprimer, les enfants peuvent utiliser l’information qu’elles transmettent afin de guider leurs comportements.
L’autodétermination implique donc de devenir capable de faire des choix pour soi. Pour accompagner les enfants sur ce chemin, parents et enseignants jouent un rôle-clé. Pour soutenir l’autodétermination de l’enfant, il s’agit d’abord de le considérer comme une personne à part entière et de démontrer du respect envers ses besoins, ses préférences et ses sentiments. Il s’agit d’apprendre aux enfants et aux jeunes à prendre des décisions qui soient bonnes pour eux-mêmes et l’enjeu est de taille. Non pas des décisions qui le façonnent tel que la société le souhaite, mais des décisions qui lui permettent de grandir, d’évoluer, de devenir lui-même, des décisions qui lui permettent de devenir « maître de son destin », même si c’est un peu pompeux de le dire ainsi. Dans les fameux proverbes que l’on dit chinois car on ne sait au final pas d’où ils proviennent, il y a celui-ci : « Si tu donnes un poisson à un homme, il se nourrira une fois. Si tu lui apprends à pêcher, il se nourrira toute sa vie ». Comment donner à l’enfant les clés pour penser, pour savoir ce qui est bon pour lui, pour qu’il puisse faire les choses parce qu’elles sont importantes pour lui et qu’elles prennent du sens pour lui, plutôt que parce que c’est ainsi qu’il faut procéder ? Cela implique d’abord de lui faire profondément confiance, afin qu’il puisse trouver et ensuite s’appuyer sur sa propre autonomie. En cela, le terme autonomie n’est pas forcément mauvais, tout dépend de la manière dont on se le représente. Au final, que l’on choisisse de parler d’autonomie ou d’autodétermination, l’essentiel est d’y inclure le fait de pouvoir ressentir ce qui est bon ou non pour soi, ce qui nous correspond.
Je nous souhaite de renouer avec notre propre autodétermination et de favoriser celles des enfants et des jeunes que nous accompagnons.
Deci et Ryan (2012) Self-determination theory. In P.A. Van Lange, A.W. Druglanski & E. Tory Higgins (dir.) Handbook of theories of social psychology (pp. 416-437).
Commentaires