Me voici plongée dans une analyse de données passionnante. Dans le cadre d’une recherche que je mène actuellement, « La voix des jeunes et de leurs parents », j’ai donné la parole à 15 jeunes adolescentes et adolescents ayant eu une mesure de soutien à l’école obligatoire. Comment ces jeunes sont-ils sentis à l’école ? Qu’y ont-ils vécu, ressenti ? Se sont-ils sentis inclus et pris en compte ? Comment voient-ils les adultes et plus particulièrement les enseignants qui ont jalonné leur parcours scolaire ? J’aimerais partager ici de manière assez spontanée deux premiers résultats, avec en arrière-fond les questions suivantes : de quoi les jeunes ont-ils besoin ? que nous apprennent-ils concernant notre rôle d’adultes qui les accompagnent, que ce soit dans le cadre scolaire ou éducatif au sens plus large ?
Comprenez-nous, un premier cri du cœur !
« Il faut être à l’écoute, toujours essayer de comprendre l’élève. Si le prof il voit qu’un élève est en difficulté, il faut aller lui poser les questions, faut aller demander s’il a bien compris et il faut vraiment prendre le temps pour lui ». (Marc, prénom d’emprunt, 16 ans). Durant les entretiens, ces jeunes évoquent presque tous des profs ou des adultes qui les ont marqués et ont été importants dans leur trajectoire. Des adultes significatifs pour eux. Et là c’est toujours la même expression qui apparaît : il a essayé de me comprendre. Ce sont des adultes ou des profs qui se sont intéressés à eux, qui les ont regardés et considérés, qui n’ont pas baissé les bras en entrevoyant parfois l’ampleur des difficultés rencontrées. Comment je vois mes élèves ? comment je les considère ? quelle attention je leur donne ? comment je les regarde ? comment je les accueille ? qu’est-ce que je projette sur eux ? quelle énergie je projette dans ma classe, dans mon école ? C’est central, ces jeunes le ressentent et le disent avec leurs mots.
Croyez en nous !
A côté de ce besoin d’être compris, les jeunes évoquent aussi le besoin que l’on croie en eux. Car en effet, comment pourront-ils croire en eux, en leurs possibilités de grandir, d’évoluer, d’avancer et d’apprendre, s’ils sentent que les adultes en face d’eux n’y croient pas ? Probablement qu’il n’y a pas plus beau cadeau que d’essayer de contribuer à donner confiance, malgré tout j’ai envie de dire, malgré les doutes, malgré les difficultés observées, malgré les échecs répétés… pour continuer d’oser y aller, de prendre des risques, d’envisager, de croire que c’est possible… L’expression de ce besoin que l’on croie en eux m’a ramenée à un concept que j’ai découvert durant ma formation d’enseignante spécialisée : le postulat d’éducabilité. Je me rappelle avoir été fortement ébranlée. Nous avions eu le privilège de rencontrer le professeur Reuven Feuerstein en personne. Notre prof d’Uni était tellement heureux d’accueillir ce professeur venant d’Israël à Fribourg, pour une conférence à laquelle nous avions pu assister. Je m’en rappelle comme si c’était hier. Evoquant le principe d’éducabilité, Feuerstein s’était alors exclamé : « Les gênes n’ont pas le dernier mot !! ». Croire foncièrement que tout être humain peut se développer, malgré ses gênes, ses caractéristiques, son milieu, la sévérité de son handicap, ses capacités… Des étudiants avec qui j’évoque cette idée en formation initiale me questionnent : « Mais est-ce que cela a vraiment été démontré par les recherches, ça, que toute personne est éducable ? ». Les recherches montrent beaucoup de choses et je suis une fervente partisane des recherches. Mais on est là au niveau d’une croyance, qui n’a peut-être pas été prouvée, mais qui se ressent et fait écho chez l’autre. Vingt après la rencontre avec Monsieur Feuerstein à l’université, les jeunes que je rencontre dans le cadre de cette recherche disent en substance la même chose. Ils ont avant tout besoin d’adultes qui croient en eux, qui croient en l’éducabilité, et vont les accompagner pour un petit bout de chemin ou pour longtemps, à partir de qui ils sont aujourd’hui.
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