Nés pour s’entraider et coopérer, ah bon ?

Par Isabelle Noël

A observer les conflits actuels, massacres, invasions de territoires ou abus de tous genre, normal d’avoir de la peine à adhérer d’emblée à l’idée que l’entraide ou la coopération constitueraient…

A observer les conflits actuels, massacres, invasions de territoires ou abus de tous genre, normal d’avoir de la peine à adhérer d’emblée à l’idée que l’entraide ou la coopération constitueraient les modalités privilégiées des espèces vivantes, bien plus présentes que la compétition, le goût de la revanche, la domination de l’autre ou le chacun pour soi… Et pourtant, que se passe-t-il réellement lors de grandes catastrophes où les comportements peuvent être observés spontanément, en grandeur nature et pour de vrai ? Spontanément, sans réfléchir et sans calcul, lorsque nous sommes mis au pied du mur et que le pronostic vital est engagé, ce sont bien les comportements d’entraide qui prédominent, ainsi que l’ont montré divers travaux de recherche récents dont ceux menés auprès de victimes du massacre du Bataclan en 2015. L’entraide serait-elle l’autre loi du jungle ?

C’est la thèse que Pablo Servigne et Gauthier Chapelle s’attellent à discuter et démontrer tout au long de leur ouvrage hyper-passionnant « L’entraide, l’autre loi de la jungle ». Ces auteurs y proposent un tour d’horizons des travaux actuels sur le sujet, à partir des découvertes provenant de l’éthologie, l’anthropologie, l’économie, la psychologie, la biologie, la sociologie ou les neurosciences. S’appuyant sur un nombre important d’études, ils mettent en évidence un trait universel, spontané, inné : « Partout, les gens sont spontanément prosociaux, (…) sur tous les continents, (…). Les êtres humains se comportent de manière beaucoup moins égoïste que certains économistes veulent nous le faire croire » (p.  81). Par prosocial, Servigne et Chapelle entendent une attitude, un comportement ou une institution orientée vers le bien-être des autres ou d’une société dans son ensemble. Ceci dépasse les relations entre humains puisque, dans le monde végétal, les études ont déjà démontré que certains arbres entrent en compétition lorsque les conditions de vie sont bonnes, mais qu’ils ont plutôt tendance à s’entraider lorsqu’elles se durcissent (par exemple lorsqu’il fait froid, que les sols s’appauvrissent ou que des animaux mettent certaines espèce végétales en péril).

Mais revenons brièvement aux catastrophes et aux comportements humains qui émergent spontanément dans ces moments exceptionnels. Contrairement aux représentations et idées reçues que nous avons généralement, les comportements de fuite panique extrêmes en cas de catastrophe sont plutôt rares et ne correspondent pas à la réalité. Les nombreux témoignages recueillis dans différents contextes et analysés dans nombre d’études citées dans l’ouvrage de Servigne et Chapelle convergent : lors de situations extrêmes, la plupart des humains ont plutôt tendance à conserver leur sang-froid et à coopérer, à s’entraider, pour tenter de s’en sortir collectivement. Ceci laisse penser que nous serions-nous dotés d’un « programme développemental » inscrit dans notre cerveau qui prédisposerait à cette coopération. Rappelons en effet que, dès l’âge de 18 mois, les jeunes enfants manifestent des comportements spontanés d’entraide. Pourquoi la compétition prend-elle alors très souvent le pas sur cette aptitude innée à coopérer et s’entraider, dans maintes situations de la vie courantes ?

La réponse est complexe et mériterait un développement bien pus grand que ne le permet cet article de blog. Il m’importe cependant de mettre l’accent sur un élément qui m’est fondamental et constitue le socle de tous mes enseignements : l’importance du contexte dans lequel nous évoluons. Les études ont montré que plus nous évoluons dans un contexte social coopératif, plus l’humain développe des automatismes prosociaux dans sa vie en général. Inversement, plus on évolue dans un contexte égoïste et compétitif, plus on développe des automatismes dans ce sens. Nos comportements sociaux et agissements se forgent donc aussi en fonction de nos expériences de vie, même si l’entraide pourrait constituer la base nécessaire à la survie avec laquelle nous arrivons au monde. Vous me voyez arriver avec mon terrain de prédilection, l’école… Oui, c’est un contexte propice à mon sens au développement et à l’apprentissage des capacités d’entraide et de coopération dont les citoyens et citoyennes de demain auront grandement besoins pour faire face aux défis et aux menaces qui planent sur notre monde… Alors, l’entraide, l’autre loi de la jungle ?

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