Que transmettons-nous ?

Par Isabelle Noël

La transmission est au cœur de notre condition humaine. C’est un fait, à partir du moment où nous sommes en interaction avec d’autres êtres vivants, nous transmettons sans cesse. Transmettre…

La transmission est au cœur de notre condition humaine. C’est un fait, à partir du moment où nous sommes en interaction avec d’autres êtres vivants, nous transmettons sans cesse. Transmettre provient du latin trans et mittere, avec cette idée d’ « envoyer de l’autre côté ». Oui, il y a un mouvement dans le fait de transmettre, un mouvement vers l’autre, vers les autres, vers d’autres générations lorsqu’on choisit le métier d’enseignant-e. Cette transmission a toujours lieu dans un contexte. Une question apparaît alors centrale et nous met face à nos propres responsabilités d’être humain : que transmettons-nous au juste ? Selon Lesire, Kotsou et André (2017), nous transmettons la plupart du temps à notre insu, par nos comportements et nos émotions, par nos manières d’être au monde. Pour exemplifier ceci, on peut dire que ce n’est pas en prêchant le respect à un enfant qu’on lui apprend véritablement le respect. Comme le dit justement le psychiatre et enseignant Edel Maex : « En prêchant, on lui apprend à prêcher. Le respect est enseigné aux enfants en les respectant ». Ainsi, lorsque notre corps, notre regard, ce que nous dégageons dit autre chose que ce que nous disons, c’est sans doute cette dernière chose que notre interlocuteur retiendra. La véritable transmission résiderait-elle alors davantage dans l’attitude que dans le partage de savoirs, savoirs-faires et savoirs-être conscientisés ?

Certes, nous transmettons aussi de manière consciente, pour partager, instruire, faire perdurer une tradition, donner le goût, permettre de comprendre, outiller, etc… : la grand-maman qui transmet sa recette de biscuits à son petit-fils, l’enseignant-e qui transmet son savoir sur un objet spécifique dans un auditoire, le père qui transmet sa passion du sport à son fils etc… J’avoue cependant que, pour ce billet de blog, c’est davantage ce qui est transmis en dehors des mots formalisés, des intentions pédagogiques établies, des « il faut que je t’apprenne ceci ou cela, ce qui reste enveloppé de brouillards et de paradoxes qui m’intéresse et me questionne. Si je reviens à l’école et à notre mission d’enseignant-e, que transmettons vraiment en tant qu’enseignant-e ? Avons-nous cette conscience que chaque enseignant-e que nous sommes, dans chaque contact, dans chaque interaction, dans chaque séquence d’enseignement, nous passons bien plus que ce que nous entrevoyons consciemment, au sens justement de « envoyer de l’autre côté » ? Cela donne presque le vertige, mais cela peut aussi être source d’humilité ou d’inspiration en alternance….

Cela nous amène également à une autre question : comment transmettons-nous ? Voulons-nous imposer notre vérité, ou sommes-nous prêts à écouter les questions et remises en question ? Est-ce que nous faisons confiance au fait que l’autre pourra faire sienne cette transmission et se l’approprier à sa manière, en fonction de ce qui est bon pour lui ou elle ? qu’il ou elle pourra développer son esprit critique ? Nos transmissions sont-elles des invitations ou des prescriptions ? que faisons-nous de nos « transmissions paradoxales », lorsque nous disons quelque chose mais faisons peut-être le contraire, car bien évidemment que c’est humain aussi… La lecture de l’ouvrage « Transmettre, ce que nous nous apportons les uns aux autres » m’a permis de voir se dessiner au fur et à mesure des chapitres deux composantes de la transmission que j’ai envie de retenir :

– l’ouverture : la transmission est un mouvement global, un processus qui demande de se mettre à l’écoute de l’autre au risque de ne transmettre que des techniques désincarnées.

– la persévérance : la transmission demande un certain effort, sur la durée. Si l’on souhaite transmettre quelque chose d’important, il est essentiel de le faire en fonction de la temporalité de l’autre. Cela demande souvent du temps, de la patience, de la continuité, du lien.

Je nous invite à réfléchir à ce que nous transmettons, à réfléchir à l’exemple que nous sommes ou pouvons être pour nos semblables et plus particulièrement nos élèves ou nos étudiant-e-s si nous avons choisi un métier de la transmission comme celui d’enseignant-e, et à nous poser régulièrement cette question : que vais-je transmettre aujourd’hui ?

 

Alvarez, c., André, C., Gueguen, c., Kotsou, I., Lenoir, F., Lesire, C., Lopez, F. & Ricard, M. (2017). Transmettre. Ce que nous nous apportons les uns aux autres. J’ai lu.

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