Aidez-nous pour notre intégration sociale!
Voici un « cri du cœur » recueilli dans le cadre de la recherche « la voix des jeunes ». Dans le cadre de cette recherche, j’ai donné la parole à 15 jeunes identifiés avec des besoins particuliers et ayant eu une mesure d’aide renforcée de pédagogie spécialisée durant l’école obligatoire.
Les jeunes qui ont participé à cette recherche se sont entre autres exprimés sur leur sentiment d’acceptation et d’intégration sociale à l’école primaire et au cycle d’orientation. Vaste sujet et gros défi pour tout adolescent me direz-vous… Certes, mais encore plus lorsqu’on est un jeune qui a été identifié avec des besoins particuliers. L’école, ce terrain propice aux échanges de toutes sortes, au développement des amitiés, des connivences et partages entre jeunes, mais aussi aux railleries, au harcèlement, aux exclusions visibles ou cachées qui font mal…
Un des tiers des jeunes que j’ai rencontrés et qui se sont confiés à moi m’ont dit avoir réussi à trouver leur place, à bien vivre leur scolarité entourés de leurs « potes », si je peux m’autoriser à reprendre leur jargon. Mais force est de constater qu’une majorité d’entre eux (environ 2/3 des jeunes qui ont participé aux entretiens) témoignent de ressentis régulièrement difficiles voire douloureux, de problèmes d’intégration et d’acceptation sociale. Je m’y attendais, cela corrobore les résultats de recherche, mais les entendre de vive voix m’a fait parfois froid dans le dos. Ania (prénom d’emprunt, 16 ans et demi) s’est exprimée ainsi : « Alors bien sûr, j’ai vécu beaucoup de jalousie, beaucoup de haine, mes camarades avaient beaucoup de haine. (…) Certains profs n’encadrent pas assez, n’expliquent pas assez pourquoi j’avais droit à certaines choses dû à mon handicap… Ils veulent passer ça direct. Alors que, pour moi, expliquer je pense que c’est la base. Du coup, pendant toutes mes années d’école obligatoire, j’ai vécu beaucoup de moqueries et de rejet ».
On pourrait penser que le développement de relations sociales entre jeunes leur appartient, que c’est de leur responsabilité et que l’on ne va pas s’immiscer là-dedans en tant qu’adulte. Il y a une part de vrai dans ce postulat : les jeunes doivent apprendre à trouver leur place parmi les leurs, ils doivent faire leurs expériences et apprendre à se comporter, entrer en relation, et il serait malvenu d’intervenir à outrance en tant qu’adulte. Cependant, à l’école, professionnels se doivent de prennent leur part de responsabilité concernant les relations sociales entre élèves, en posant un cadre sécure et en assurant le développement des aspects liés au vivre ensemble.
Ceci fait en effet partie intégrante de la mission de l’école. A ce titre, le plan d’études romand (PER) comprend l’acquisition de compétences dites transversales ou générales, telles que la communication, la collaboration, le vivre ensemble notamment. Quand et comment ces compétences transversales sont-elles travaillées, développées par et avec les élèves ? Comment les enseignant-e-s incarnent-ils eux-mêmes ces compétences-là ? Est-ce qu’un jour les élèves qui rentreront à la maison et entendront la fameuse question « qu’as-tu appris à l’école aujourd’hui ? » répondront-ils : « J’ai appris à collaborer, à respecter l’avis de mes camarades, à travailler avec des personnes que je ne connaissais pas encore, à trouver ma place et exprimer mon opinion… » ?
Permettre à tous les jeunes de s’épanouir à l’école, de former leur pensée, d’apprendre à vivre ensemble, autant de compétences essentielles pour envisager les défis futurs. Je le redis car j’y crois : la société de demain ne sera rien sans l’éducation inclusive. En tant qu’adultes engagés dans l’évolution de l’école d’aujourd’hui et de demain, et donc de la formation des futurs citoyens, faisons preuve ensemble de créativité et inventons la suite en écoutant ce que les jeunes nous disent aujourd’hui. Car en effet, les jeunes que j’ai interrogés étaient unanimes : les enseignants ont une grande importance quant au climat de classe et aux relations qui se tissent entre les élèves. Ceux-ci ont le devoir de co-créer avec leurs élèves un climat agréable et propice aux apprentissages, et à intervenir si nécessaire, à l’image de ce que dit Nathan (prénom d’emprunt) : « Il faut que les profs ils fassent plus attention à ça. Parce qu’ils sont là en mode « débrouille-toi ». J’ai une amie qui a des difficultés et qui est encore au CO (…). C’est au prof de surveiller ce genre de choses parce que les gens peuvent être très mal après, ils peuvent être au fond ».
« La force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres » (Constitution fédérale de la Confédération helvétique)
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