Lire La Part du Vent d’Olivier Pillevuit, c’est accepter d’embarquer dans un avion de ligne à destination des nuages pour une ascension vers les idées. Et des idées, Olivier Pillevuit ne manque pas d’en présenter : science, religion, simplicité, il tient un grand marché aux mots dans lequel chacun peut puiser à sa convenance.
Et le vent fait danser
ces feuilles mortes,
surprises d’une liberté
qu’elles ne connaissaient pas.
Dans son voyage vers l’absolu, Olivier Pillevuit offre une liberté à son lecteur, celle de goûter ses mots comme de les refuser. Il saute de jeux de phrases en vol de lettres dans un tortueux élan que la brièveté des vers ne freine pas pour autant. Plus encore, il flirte avec les vers, éclipsant les frontières oscillantes du genre poétique en planant de temps à autre vers un nuage d’haïkus ou en se laissant bouleverser par une turbulence d’aphorisme :
N’être rien dans sa pensée, c’est être tout entier.
Et son immense Boeing semble suivre, sur sa carte imaginaire, les traces d’un Baudelaire qui jongle entre élévation et crash brutal :
Étranges papillons de nuit
qui se brûlent aux flammes tant désirées.
Ne sommes-nous pas semblablement
maladroits dans la lumière ?
Escale « humanité »
L’espace d’un instant, les mots laissent du temps aux esprits pour effleurer le réel et caresser le monde d’au-dessus, d’un regard évadé. De ses hublots faits de lettres translucides, la poésie d’Olivier Pillevuit s’ouvre sur le décor de notre monde et, avec un brin d’ironie et quelques graines d’amusement, laisse découvrir le désert de l’univers :
Bien que l’homme soit d’une fragilité de capillaire,
il est parvenu, au stade actuel de son évolution,
à ne sélectionner qu’un seul et unique prédateur :
lui-même.
D’aucuns prétendent que l’homme est intelligent.
Son regard de chirurgien croisé à ses lunettes d’écrivain propose d’explorer la pensée avec une lucidité qui peut certes glacer les sangs, mais plus encore offrir une brise de fraîcheur au lecteur audacieux qui décide de se laisser mener dans cette expédition céleste.
Et lorsque toutes les pages auront glissé entre tes doigts, le temps repartira, et tu réaliseras que ce voyage n’a duré qu’une seconde, le temps d’un éclair d’étoile dans ton quotidien fulgurant.
Velia Ferracini
Olivier Pillevuit, La Part du Vent, Éditions de l’Aire, 2018, 20 .-
Image tirée du magazine imprimé Campaign Middle East Jan 31st issue.