Le 6 mars 2021 a eu lieu à Fribourg, au Nouveau Monde, le festival de traduction littéraire « Aller-retour », sous la forme de séances « Zoom » et de retransmissions directes. La notion d’émotion a offert un fil rouge aux diverses rencontres entre traductrices, auteurs et professionnelles du spectacle qui ont réfléchi ensemble sur les enjeux de la traduction dans tous ses états. Un groupe d’étudiantes du programme de bachelor « Bilinguisme et échange culturel » (Université de Fribourg) a suivi plusieurs de ces rencontres et en rend ici compte pour vous.
Thomas Hunkeler
Les myrtilles du Moléson
Dans le cadre du festival aller-retour à Fribourg le public a eu l’occasion de rencontrer le traducteur Renato Weber, même si la discussion a dû se faire par Zoom. Au centre de la discussion se trouvait l’ouvrage Les myrtilles du Moléson du poète tessinois Giovanni Orelli, traduit par Weber qui s’est prêté avec amabilité au jeu de guider son audience à travers le monde d’Orelli et les particularités de son style. Le format était celui d’un club de lecture, où Weber présentait quelques enjeux de traduction liés au texte d’Orelli. Les spectateurs avaient alors la possibilité de comparer la version italienne avec la version française, ce qui leur permettait de mieux comprendre ces enjeux.
Comment réagir en tant que traducteur face à des jeux métalinguistiques qui n’existent pas forcement au même degré dans la langue seconde ? Comment trouver le bon équilibre entre la fidélité envers l’original et l’adaptation à la langue seconde ? À partir d’un extrait concret, Weber montre son travail de traducteur, ce qui permet aux spectateurs de reconnaître les traits essentiels du style d’Orelli. Le poète tessinois travaillait beaucoup avec des parenthèses et des jeux métalinguistiques particuliers à la langue italienne et d’autant plus difficiles à mettre en français. Dans une des nouvelles, le narrateur rêve par exemple de devoir retourner à l’école et d’inventer une dictée. Le récit d’Orelli n’est pas construit sur une progression thématique logique mais sur des mots qui se ressemblent au niveau phonétique. En italien cela est mis en évidence à travers le son « ch » qui a une difficulté particulière pour les italophones. Dans la mesure où les sons et la phonologie française sont différents, cela n’a pas été simple à traduire. Weber opte alors souvent pour la solution d’utiliser le mot italien afin de garder le son et d’expliquer après si nécessaire.
Par ailleurs, Orelli insiste sur les répétitions qui renforcent certaines émotions que le texte souhaite évoquer chez le lecteur. Weber explique que pour le traducteur, il n’est pas toujours facile de résister à l’envie d’aplatir le récit. Ce dernier semble excessif et on souhaiterait le simplifier. Mais après une étude plus approfondie, il apparaît évident que le style et le suspense sont étroitement liés. À l’aide des répétitions, Orelli force en effet le lecteur à attendre le dénouement final. Il crée ainsi un certain suspense qui tient le lecteur en haleine. Supprimer les répétitions reviendrait donc à enlever du suspense, ce qui mènerait à une perte de qualité du livre.
Un autre aspect important est l’humour. Il faut d’abord saisir l’humour d’Orelli dans le texte original, ce qui n’est pas toujours facile. Au premier regard, l’humour est difficilement perceptible. Mais quand on a lu plusieurs ouvrages de l’auteur on commence à se familiariser avec le monde du poète et donc aussi avec son sens de l’humour. Mais ensuite, il s’agit de le transférer dans une autre langue, mission souvent impossible. L’exercice demande également une certaine familiarité avec le monde du lecteur.
Il est passionnant de suivre ainsi le travail du traducteur. Weber a réussi à expliquer les décisions qu’il a prises durant son travail de manière compréhensible pour un grand public. Le fait d’observer le texte dans l’original et dans la traduction, côte à côte, a permis aux spectateurs de mieux comprendre la complexité de la tâche d’un traducteur.
Lena Brügger
Dans le domaine des algorithmes
De nos jours, elle ne peut plus manquer lors d’un festival de traduction : la traduction automatique. S’il était facile, il y a quelques années, de piéger les algorithmes pour voir quel charabia ils nous sortaient, les résultats sont aujourd’hui au contraire impressionnants. En effet, s’il n’était pas marqué « traduit de l’anglais » devant une traduction Google, on ne s’en rendrait souvent même pas compte. Tout le monde est d’accord, la traduction automatique s’avère parfois bien pratique quand on arrive dans une région dont on ne maîtrise pas ou mal la langue, pour traduire le contenu d’un site web ou déchiffrer une phrase biscornue sur laquelle on bute. Mais il s’agit là d’une utilisation personnelle, la traduction n’a alors pas besoin d’être parfaite ni fluide, pour autant que l’on comprenne. Qu’en est-il de la traduction professionnelle ? La traduction automatique rendra-t-elle bientôt les traducteurs humains superflus, ou au contraire n’est-elle bonne à rien dans le domaine littéraire, faute d’émotions ? Permet-elle peut-être de gagner du temps ? Ce sont là des questions brûlantes qui concernent les traducteurs professionnels aujourd’hui, et on sentait cette sorte de tension, ou du moins cette implication dans le public durant la conversation entre la traductrice Camille Logoz et Samuel Läubli, un expert de l’Institut de linguistique computationnelle de l’université de Zurich.
Au fond, qu’est-ce que la traduction automatique ? Avec le terme « intelligence artificielle », quelques images de marketing, des substrats de science-fiction et notre regard anthropocentrique qui voit de l’humain partout, nous avons vite tendance à nous imaginer des robots à super-pouvoirs, qui arriveront bientôt à tout faire mieux que nous. Mais cette image ne reflète pas la réalité, comme l’a souligné Samuel Läubli en expliquant les grandes lignes du fonctionnement d’un programme de traduction automatique. Ce sont des ordinateurs puissants qui « apprennent » à imiter des traductions humaines à partir d’énormes banques de données. On dit qu’ils sont « intelligents » parce qu’ils arrivent, en comparant leur résultat et la traduction humaine modèle, à ajuster leurs réglages tout seuls. Mais les programmes de traduction connaissent leurs limites. Les concepts d’émotions, de jeux de mots, d’esthétique du langage et de créativité leur sont tout à fait inconnus, ils sont incapables de prendre des libertés ou de juger à quel point leur traduction est adaptée. D’un point de vue juridique, ils ne peuvent assumer de responsabilité et garantir l’équivalence de la traduction au texte source. Et à ce jour, selon une étude de Läubli, ils n’ont pas encore atteint le niveau des traductions humaines : ils arrivent tout au plus à rejoindre les humains pour l’exactitude du contenu au niveau de la phrase, mais au niveau d’un texte entier les traductions humaines sont plus précises, plus cohérentes et fluides. Bref, les machines restent des machines et les humains auront encore leur mot à dire, les traducteurs peuvent se rassurer !
Cela dit, Samuel Läubli offre trois arguments pour ne pas sous-estimer la possibilité de la traduction par ordinateur. Premier point : la productivité. Les ordinateurs sont extrêmement rapides et en tant qu’outils, ils sont désormais suffisamment bons pour permettre aux traducteurs de gagner du temps, avant tout dans des passages par exemple techniques ou juridiques, dans lesquels les ordinateurs excellent. Second aspect : la qualité. Si le problème aujourd’hui est avant tout la cohérence contextuelle entre les phrases (comme de choisir le bon pronom pour reprendre un élément apparu plus haut), il est déjà en grande partie résolu dans le domaine de la recherche et on peut s’attendre à ce que cette fonctionnalité soit bientôt intégrée aux algorithmes accessibles au public (les obstacles étant la puissance de calcul et la vitesse). Troisième et dernier point : la traduction automatique peut être une source d’inspiration. Elle permet de voir ce que d’autres ont fait pour résoudre un certain problème, ce qui peut être particulièrement intéressant pour les expressions idiomatiques. Il est également possible d’imposer des règles aux algorithmes, comme de traduire en rimes ou d’éviter une lettre, des options qui pourraient être proposées prochainement par les programmes de traduction publics, comme il existe déjà la possibilité de choisir entre du langage formel ou informel.
En conclusion, on peut prédire un avenir prometteur autant pour la traduction automatique que pour les traducteurs humains, car on ne peut se passer ni de l’une ni des autres. Du côté des traducteurs, leur activité va changer dans une certaine mesure, car comme l’a souligné Camille Logoz, ce n’est pas du tout le même travail que de traduire à partir de rien ou de réviser la proposition d’un programme de traduction. Mais ne serait-ce pas là l’opportunité de se concentrer sur les passages « intéressants » qui requièrent toute la créativité du traducteur ? Quant à la traduction automatique, si elle ne peut trouver qu’une application restreinte dans le domaine littéraire, elle pourrait cependant représenter une option à ne pas négliger pour la préservation des langues minoritaires et d’une riche variété linguistique, forcément liée à un grand défi de traduction. Car malgré les limites qu’on lui reconnaît, la traduction automatique permet une traduction rapide, accessible et peu coûteuse.
Céline Gilgien
Quel théâtre ! Traduire en direct une pièce de Julia Haenni
Il n’est pas inhabituel de lire « traduit par… » ou « traduction de… » au début d’un roman ou d’une pièce de théâtre. Mais qu’est-ce que ça veut dire que de traduire un texte ? Ou plutôt, comment faut-il traduire un texte ? Ce sont des questions auxquelles nous pensons rarement, voire jamais. C’était donc l’occasion de participer à la rencontre via Zoom durant laquelle Julie Tirard nous a permis de jeter un coup d’œil sur son travail en présentant les principales difficultés rencontrées lors du processus de traduction. Puis, durant la discussion, elle a fait part de ses propres astuces et conseils.
Julie Tirard est une jeune autrice et traductrice française qui, aujourd’hui, vit en Allemagne. Dans le cadre de la journée Aller-Retour, Julie Tirard traduit la pièce « Don Juan. Erschöpfte Männer » (« Hommes épuisés ») de la dramaturge suisse-alémanique Julia Haenni. La comédie n’est pas une réécriture de Don Juan mais une réflexion sur la représentation de l’homme moderne à travers des dialogues humoristiques. Selon Julie Tirard, un texte comique est difficile à traduire car on se sent parfois tenté de rendre le texte plus drôle. Cependant, en faisant cela, il y a un risque de passer à côté d’autre chose, quelque chose de plus profond que la blague.
Dans sa pièce, l’autrice invente souvent de nouvelles expressions comme « die Segel in den Wind werfen », ce qui n’est pas courant en allemand. Il est difficile de traduire de tels jeux de mots, mais Julie Tirard estime que c’est justement cet aspect-là qui rend les textes de Julia Haenni intéressants. « C’est tout l’intérêt pour moi de traduire les textes de Julia Haenni. Elle joue beaucoup sur la langue, elle crée beaucoup de choses, elle décale les choses », déclare Julie Tirard durant la réunion avant d’ajouter quand même que « pour une traductrice c’est l’horreur ».
Il y a beaucoup d’anglicismes dans le texte original en allemand qui ont un certain effet sur le public. Mais est-ce que cet effet se perd lorsque le texte est traduit dans la langue française ? Les anglicismes n’ont pas la même portée si l’autrice veut simplement rendre le langage familier et oral qu’au cas où elle tient à faire passer un message ou à imposer un certain style. Ici, Julie Tirard affirme qu’il est parfois utile de demander directement à l’auteur/autrice, car « ils ont leur mot à dire ».
Les onomatopées forment aussi l’une des difficultés rencontrées lors de la traduction d’un texte. Dans la langue allemande, le chien fait « wauwau », tandis qu’en français il fait « woofwoof ». Mais comment faire lorsqu’il s’agit d’un bruit sec exprimé par un « Zack » en allemand ? Durant la discussion, les participants ont proposé différentes variantes comme « Tsak », « Vlam » ou « Chlak ». Mais finalement on n’est pas sûr de trouver la meilleure manière d’imiter cette idée de vitesse exprimée dans le texte original.
L’une des plus grandes problématiques est la suppression totale des majuscules dans le texte allemand. La traductrice se trouve alors face à un dilemme car si elle décide de faire de même pour le texte français, ce dernier aura un autre impact. Il faut donc, tout comme pour les anglicismes, se poser la question s’il s’agit d’un choix fondamental de l’autrice ou non. Julie Tirard garde le débat ouvert : « C’est à réfléchir, c’est une question que je garde pour la fin, pour voir avec l’autrice pourquoi elle n’en utilise pas. ».
Ce qui est important pour Julie Tirard, c’est de ne pas essayer de trouver immédiatement la traduction parfaite dès le premier essai, mais de réfléchir et de comprendre le texte sous tous ses aspects. Son but est de s’engager, de garder le côté humoristique de la pièce et de la rendre française. À ses yeux, il importe avant tout que le théâtre reste fluide à l’oral.
Anouk Lobsiger
Comme une mélodie à deux voix
Sous l’animation de Camille Lüscher, la traductrice Marion Graf et l’illustratrice Anna Luchs se retrouvent pour discuter le rôle que peuvent avoir les images lors du processus de traduction. La traductrice commence par expliquer l’importance qu’elle prête aux images lors de ses traductions. Le but premier du traducteur est de faire passer le plus fidèlement possible un texte d’une langue à l’autre sans pour autant changer sa forme ni son sens. Marion Graf donne l’exemple du livre Le cafard de l’auteur russe Tchoukovsky qu’elle a traduit en français. Le texte initial est accompagné d’images et présente des rimes. Il y a donc une double contrainte pour la traductrice : respecter le rythme et faire coïncider la traduction avec les images présentes. Traduire mot pour mot du russe et garder un même rythme et les rimes n’est pas un travail facile. Marion Graf affirme alors s’inspirer des images accompagnant le texte pour trouver une solution. L’illustration laisse donc place à l’imagination, présente des éléments qui ne sont pas décrits dans le texte et qui peuvent aider le traducteur à trouver ses mots. La traductrice se sent « emportée comme une mélodie à deux voix du texte et de l’image » lorsqu’elle traduit un livre illustré car les émotions du texte sont en premier lieu présentes dans l’illustration et dirigent ensuite le traducteur pour les exprimer sous la forme de mots.
L’illustratrice, elle, s’inspire souvent du texte, de sa forme, de termes issus de certains domaines spécifiques ou d’expressions imagées pour créer ses images. Elle souligne de nombreuses ressemblances, dans sa manière de procéder, avec Marion Graf. Les deux femmes reçoivent un contenu, doivent l’intérioriser, l’interpréter et le traduire en texte ou en images. Pour ce faire, l’illustratrice s’inspire de la langue et la traductrice de l’image.
Carlina Schwartz
Traduire le roman noir
Dans une discussion animée par Sylvie Jeanneret, les auteurs Joseph Incardona et Nicolas Verdan ont rencontré les traductrices Lydia Dimitrow et Hilde Fieguth. La question centrale était de savoir comment transmettre des émotions par la traduction. La discussion a évolué autour de deux ouvrages en français et de leurs traductions allemandes : La coach de Nicolas Verdan et Derrière les panneaux, il y a des hommes de Joseph Incardona.
En tant qu’auteurs de romans noirs, Incardona et Verdan sont passés maîtres dans l’art d’utiliser la langue comme moyen pour transmettre des émotions qui vont au-delà du simple suspense. Incardona a expliqué qu’il percevait le roman noir surtout comme roman tragique, roman de l’homme. Les personnages y sont souvent perdus dans leur propre délire intérieur, en rupture avec la société, parfois même en aliénation complète. Le contexte social est en arrière-plan mais tout en restant essentiel pour montrer la désillusion du protagoniste. Le monde décrit par Incardona se caractérise par les ténèbres et l’obscurité. Il n’y a pas de place pour l’espoir. L’intrigue de son roman se passe sur l’autoroute et dans les environs. Des filles disparaissent et une recherche désespérée commence. Enfin, les personnages semblent être brisés par leur propre caractère, comme l’affirmait Lydia Dimitrow, traductrice du roman d’Incardona. Mais la violence se manifeste aussi dans la langue. Dimitrow exprimait l’impression que les phrases frappaient le lecteur encore et encore, comme des battements courts, en staccato. La plus grande difficulté pour elle a été d’établir une distance par rapport à cette violence, alors même qu’une traductrice doit être proche des protagonistes, plus proche encore que le lecteur moyen. Il est d’autant plus difficile de supporter le désespoir des personnages. L’enjeu principal de la traduction d’un roman noir est alors, selon Dimitrow, de trouver un équilibre entre distance et proximité.
A son tour, Hilde Fieguth a évoqué une expérience similaire. La coach retrace l’histoire d’une jeune femme qui veut venger son frère. À travers de longs monologues, elle essaie de justifier ses actes envers elle-même d’une façon tellement agressive que le lecteur commence à devenir suspicieux. L’enjeux est alors de trouver le bon ton, ce que Verdan a confirmé. Le ton joue en effet un rôle prépondérant dans son livre car il s’agit d’un ton noir mais aussi humoristique, dans la mesure où la protagoniste utilise beaucoup de cynisme.
La discussion entre les auteurs et « leurs » traductrices s’est révélée passionnante. On pouvait apercevoir que bien qu’ils aient traité intensément la même œuvre, ils n’avaient pas toujours forcément la même lecture du texte. D’entendre ce que les traductrices ressentent lorsqu’elles traduisent un texte violent était très enrichissant.
Lena Brügger
I will be different every time
Pour celles et ceux qui s’intéressent à la thématique des identités, du racisme et de l’intégration, la table ronde du festival aller-retour s’est révélé passionnante. La modératrice Florence Widmer a guidé le public pendant une heure et demie, en menant la discussion en trois langues selon la personne à laquelle elle s’adressait. Les trois invitées étaient Fork Burke, une poétesse originaire des États-Unis, qui a étudié la littérature et habite à Bienne depuis huit ans ; Myriam Diarra, l’un des premiers enfants de couleur à avoir grandi à Bienne, et qui y travaille comme assistante socio-éducative, pédagogue et thérapeute du mouvement ; et enfin l’activiste et autrice Franziska Schutzbach, une sociologue spécialisée dans le domaine de gender. Les trois femmes ont rédigé ensemble un livre trilingue (f, d, e) sous le titre I will be different every time. Cet ouvrage aborde les expériences des femmes noires à Bienne.
L’idée du projet est née, entre autres, du fait que Fork Burke cherchait à l’époque un livre pour enfants avec une forte figure principale, féminine et noire. En outre, les autrices se rencontraient régulièrement pour discuter entre elles de sexisme et de racisme. Ces conversations les ont incitées à écrire ensemble un livre à ce sujet. Le processus d’écriture n’était pourtant pas simple puisque les trois femmes voulaient aussi faire entendre d’autres histoires de femmes noires de Bienne pour rendre leurs vies en Suisse plus visibles. À cet effet, elles ont choisi des femmes de différentes classes sociales, origines et âges, venant de contextes familiaux variés. Parfois leurs interlocutrices craignaient qu’elles n’aient rien à dire à ce sujet, mais elles finissaient pourtant par découvrir qu’elles avaient un flot de souvenirs, ce qui les a elles-mêmes étonnées. Leurs témoignages étaient transcrits selon la langue utilisée, parfois ils étaient aussi traduits. Tous les textes reflètent la manière dont les femmes voulaient être représentées.
Pour offrir au public un aperçu du livre, les trois créatrices ont lu des passages qu’elles trouvaient importants et touchants. Le fait qu’il y a encore beaucoup de racisme structurel est l’un des points le plus saillants. Fork Burke a expliqué qu’elle était choquée par rapport aux conditions qu’elle avait trouvées en Suisse lorsqu’elle est arrivée. Elle se réjouit d’autant plus que les choses bougent, notamment au sein de la jeunesse. Les récents événements aux États-Unis ont révélé non seulement les problèmes de racisme dans la société américaine mais aussi en Europe et en Suisse. Le fait que le livre soit arrivé sur le marché pendant cette période a certainement contribué à sa popularité.
Florence Widmer a fait un travail fantastique pendant cette discussion entre femmes en menant l’entretien multilingue apparemment sans effort et avec élégance et doigté. De nombreux aspects ont ainsi pu être éclairés et on avait envie d’écouter les quatre femmes encore bien plus longtemps.
Julie Dietsche
Sur la photo : Sylvie Jeanneret (au milieu) en discussion avec (de gauche à droite) : Nicolas Verdan, Hilde Fieguth, Joseph Incardona et Lydia Dimitrow (sur l’écran).