Qu’en est-il aujourd’hui des contes merveilleux, des quêtes fabuleuses, des épopées qui font rêver ? A-t-on oublié les héros mythiques à l’origine de vieilles légendes ? C’est en tout cas l’impression qu’a Merlin l’Enchanteur, le personnage principal du nouveau roman graphique de Victor Hussenot : La Brigade. Se sentant has been, un « mythe sans vie » délaissé des romans et du cinéma moderne, Merlin refuse son sort et demande de l’aide à son ami le magicien Pierrot : comment lui faire regagner sa popularité perdue ? Pierrot a une solution, mais elle n’est pas sans risque : il faut trouver d’autres héros oubliés qui s’ennuient eux aussi « comme des rats morts » dans l’attente de nouvelles aventures. En leur compagnie, Merlin devra mener une quête pour forcer le destin – ou plutôt l’écrivain – à le remettre sur les devants de la scène : une quête des plus fantaisistes, mêlant énigmes, dangers et monstres en tous genres.
C’est dans un roman graphique décalé, au travers de différents mondes intemporels et riches en détails farfelus – mais néanmoins loin d’être anodins ! – que ces héros des temps anciens vont devoir mener à bien leur drôle de mission. Des personnages qui, tout comme l’univers du livre, parviennent à se distinguer en jouant effrontément avec les codes du genre. Tout cela sous les ficelles d’un créateur d’histoire qui, survenant lui aussi dans son propre récit, donne le ton et le propos du livre. Ce roman graphique haut en couleur va bien au-delà de la simple quête merveilleuse pleine de péripéties : il s’agit avant tout d’un face à face entre les héros fictifs et leurs lecteurs, ainsi qu’entre l’écrivain et sa propre création. Dans ce conte où toutes les barrières entre la fiction et la réalité s’effritent, un splendide message se cache derrière les dessins : écrire une histoire n’est-ce pas aussi une forme bien réelle de magie ?
Victor Hussenot, La Brigade, Genève, La Joie de lire, 2024, 324 pages, 39,90 CHF.