Uçhisar, province de la Cappadoce, Turquie, le 1er septembre 2024
Cher Nicolas Di Meo,
Pendant que je traverse la chaleur écrasante des routes turques, la froideur silencieuse du Groenland m’accompagne. Grâce à vous et à votre nouveau roman Tumiqa, je vis une double aventure, et je tiens à vous en remercier. Entre l’effervescence d’Istanbul et le calme du Grand Nord, votre récit a été une échappée aussi inattendue qu’adoucissante.
Avant même de commencer ma lecture, j’étais déjà fasciné par la couverture de votre livre. En tant qu’objet, il est tout simplement superbe. Le dessin, tout en nuances d’azur et de blanc, esquisse un iceberg tracé au crayon, sur un papier à la texture douce et légèrement rugueuse. Il évoque d’emblée le mystère et la majesté du Groenland. Et ce Tumiqa, inscrit en lettres simples et épurées au centre de la couverture, a tout de suite attisé ma curiosité. Que signifie-t-il ?
Puis mon voyage commence. Les paysages turcs défilent sous mes yeux tandis que, dans votre livre, je suis embarqué à bord du Manguier, ce bateau figé dans l’immobilité du continent arctique. Sur ce pont, j’apprécie l’intimité de votre écriture. Vous abordez les thèmes de la fonte des glaces, des légendes inuites et de l’homosexualité avec une délicatesse désarmante. Ce qui m’a le plus touché, c’est la manière dont vous traitez le deuil. Vous établissez un parallèle saisissant entre la perte d’un être cher et la disparition progressive d’une culture, celle du Groenland. C’est un hommage discret mais sincère à ce qui se perd – ou plutôt à ce qui se transforme. Comme vous l’exprimez si bien, les êtres qui nous précèdent laissent une empreinte indélébile. Nous sommes faits de ces traces, invisibles mais tenaces. C’est ainsi.
« Il aura forgé mon imaginaire. Il m’aura révélé d’une manière unique que l’on peut dépasser la réalité et donner corps aux rêves. C’était un pouvoir : donner à rêver d’une façon si parfaite. Voilà son plus grand héritage. »
On trouve une sorte d’élégance minimaliste dans votre écriture. Ce style, sobre et métaphorique, ne cherche pas à impressionner par des effets excessifs. Il laisse résonner les mots comme une pensée précieuse et durable.
« Nous sommes faits de traces de celles et ceux avant nous,
même si elles ont fondu comme neige au soleil. »
Votre livre m’a offert un voyage décuplé, et je vous en suis sincèrement reconnaissant. Que ce soit en traversant les immensités du Groenland ou en faisant une halte sur les côtes égéennes, j’ai découvert des fragments de moi-même. Je suis certain que je revisiterai ces pages quand je repenserai à mes propres aventures.
Chaleureusement,
Thibault V. Moullet
Nicolas Di Meo, Tumiqa, Lausanne, La Veilleuse, 155 pages, 25 CHF