En Solex, la vitesse ne fait pas tout

Années Solex est un recueil de neuf nouvelles dont la deuxième a donné le titre au livre. Toutefois, ce titre qui crie à lui seul « Nostalgie ! », ne convient pas à toutes les histoires présentées, qui n’ont au fond que peu de points communs.

Rideau ! Quand Lars assiste à un cours sur Schopenhauer, il s’étonne de la présence d’une étudiante. Celle-ci ressemble trait pour trait à une actrice qu’il avait remarquée dans un film au cinéma. Coup de foudre. Leurs balades, leurs instants de silence à observer la nature, leurs voyages rythment cet amour en apparence aussi fort qu’instantané. Leur relation fusionnelle se traduit dans le texte à travers une certaine confusion de leurs points de vue :

Elle évoquait les moments de grâce où, le soir venu, elle allait au lit où il y a encore l’odeur de ton corps dans les draps. Ces moments de grâce où elle s’endormait avec la délicieuse sensation de t’avoir à côté de moi…

Lors d’un déplacement en train, Lars s’endort et elle l’observe calmement. Ses pensées sont en ébullition. Troublée par un rêve, elle se remémore tous les défauts d’un homme qui avait su attirer son attention à la sortie de l’université. Et il semble en avoir beaucoup. Elle l’observe jusqu’à se dégoûter de lui et imagine avec dédain sa réaction si elle décidait de s’en aller :

Il se sentirait mieux s’il croyait à quelque chose ! Cette fois, c’est décidé, je ne peux plus attendre. Basta ! Basta ! Au vestiaire toutes ces dégoulinades de miel ! Aux oubliettes les heures passées à contempler l’horizon ! Rideau !!! Rideau !!!

Dans la dernière nouvelle de son recueil, Antonin Moeri décrit une relation qui va de l’amour à la haine en une bonne vingtaine de pages. Autant dire que ça va très vite, et peut-être même trop, au point que certains moments cruciaux de leur relation manquent : Comment l’a-t-elle abordé la première fois ? Qu’est-ce qu’il pense de leur relation, lui ? Comment toute cette histoire va se terminer ? Le texte semble osciller entre la précipitation des événements et l’inertie des pensées des personnages. Ces introspections sont présentes dans toutes les nouvelles, ce sont en réalité elles qui constituent le fil rouge du recueil. Comme chez Maupassant, ce sont les réflexions intimes des personnages qui induisent leurs actions et leurs mouvements. L’accent est mis sur leur psychologie, leurs pensées sont exposées en détails. Mais la comparaison s’arrête ici, car les thématiques abordées par Années Solex ne sont pas aussi lourdes, ni aussi profondes que celles du Horla ou de La Peur. Ce sont des relations humaines connues – celles entre un amour, un ami, un parent ou un inconnu – qui occupent les neuf nouvelles de ce recueil. 

Années Solex fait voyager, à un rythme qui ne conviendra peut-être pas à tout le monde. Certaines escales en valent clairement le détour, alors que d’autres risquent d’allonger la route. A chacun d’y puiser ce qui lui convient.


Antonin Moeri, Années Solex, Bernard Campiche Editeur, Sainte-Croix, 2024, 208 pages, 29 CHF.

Crédits de l’image : https://planete-vintage.com/products/plaque-metal-vintage-solex

Laisser un commentaire