À partir de faits réels révélés par la presse, Marie Perny retrace l’histoire et la vie intérieure de Cornelius Gurlitt, un collectionneur d’art allemand qui s’est vu confisquer toutes ses œuvres après la découverte fortuite de sa collection héritée de son père. Partant de ce moment traumatisant, Marie Perny nous conte l’histoire de celui qui fut, pendant la Deuxième Guerre mondiale, un petit garçon vivant à l’ombre d’un père énigmatique, à la fois victime et adjuvant du régime nazi, lequel amassa en quelques années une immense collection d’art. Le lecteur est témoin de la relation délicate entre l’enfant et son père, une relation qui perdurera longtemps après la mort de ce dernier. Cornelius reprendra en effet le flambeau de son père en devenant le gardien des œuvres d’art.
Ce court récit semble se construire à partir de questions. Une première interrogation avait démasqué Cornelius, lors d’un contrôle aléatoire à la frontière. Cornelius ayant choisi une vie loin du public, toute une série de réflexions se posent aux yeux du lecteur. Qui est ce mystérieux collectionneur allemand ? Quelle est la véritable raison qui explique sa vie recluse ? Au fil des questions, l’histoire de Cornelius se déplie, grâce à l’imaginaire de l’autrice. Les interrogations ne concernent pas seulement ceux qui observent Cornelius, mais également lui-même : peut-il retrouver ses œuvres ? Il n’a personne à qui parler. Qui pourrait le comprendre ? Cornelius met sa vie en question, et grâce à Marie Perny, on découvre les interrogations qui le tourmentent depuis l’enfance.
On sait qui sont les innocents, mais les coupables ? Totalement coupables, un peu, au tiers, au quart ? Coupable, son père ? Lui, le fils, qui s’est installé depuis longtemps à l’écart de ce monde dans lequel l’image d’un bulldozer nettoyant un charnier a été, est possible, de quoi est-il coupable ?
À travers son récit poignant, Marie Perny nous présente un homme qui a choisi de se retirer de la vie, consacrant chaque instant à ses œuvres jusqu’à ce qu’il finisse par les léguer à un musée suisse : « Il rédige enfin son testament et lègue sa collection au Kunstmuseum à Berne. Pour la première fois, il désobéit à son père, la collection quittera l’Allemagne. Cornelius choisit la Suisse. Ce pays est à l’abri de la folie. Les êtres n’y sont ni meilleurs ni pires qu’ailleurs. »
Marie Perny, Vie imaginaire de Cornelius G., Éditions de l’Aire, 2023, 92 pages, 20 CHF.
Crédits de l’image : https://www.nzz.ch/feuilleton/die-gurlitt-recherchen-sind-beendet-ld.1558232?reduced=true