Qu’on aime le jardinage ou pas, Inflorescence de Raluca Antonescu nous ramène à un état primitif, lié à la terre et spécialement à nos terres. Une histoire relatant différentes étapes de maturation de quatre femmes, toutes liées par le sang. On se retrouve propulsé à différentes époques, que ce soit l’entre-deux-guerres, la fin des années soixante ou encore le début du XXIème siècle. Un véritable tourbillon, comme si nous entrions dans une machine à remonter le temps qui s’emballe et qui nous montre tout à coup des brindilles du passé et du présent. Mais il y a un endroit sur lequel le temps ne semble pas avoir d’emprise : le gouffre, endroit mystique autour duquel on retrouve nos personnages attachants par leurs malheurs, intrigants par leur constante recherche de souvenirs, complexes à l’image de l’être humain. Tout au long du roman, on reconstitue petit à petit l’histoire de chacune des protagonistes ainsi que leur arbre généalogique, non sans trébucher sur certaines racines. C’est là où prend forme l’art d’Antonescu dans son troisième roman. Certains mystères ne seront jamais percés, mais on a toujours une petite graine d’idée en tête…
« Elle pensa à une inflorescence, un petit élément indissociable d’un tout, et nécessaire à l’enchevêtrement de l’ensemble. » En effet, les histoires d’Aloïse, Amalia, Catherine et Vivian s’entrelacent, elles sont unies par le lien familial mais aussi par leur rapport à la nature tantôt intime, tantôt hostile. Elles évoluent toutes dans des univers différents : une jeune femme qui vit au centre de Genève et qui est lasse de son travail peu stimulant, une enfant de la ferme dans le Jura où l’environnement permet à peine de survivre, une ménagère qui se veut parfaite, vivant dans un lotissement à l’américaine borné de plates-bandes étriquées, et une ancienne hippie activiste qui cherche sa place dans les grands territoires verts de la Patagonie. Malgré les drames familiaux, chacune d’entre elles trouve le moyen de cultiver son propre jardin, le jardin de l’intime, une histoire à soi qui se mêle et s’entremêle à celles des ancêtres et des futures progénitures.
« La beauté se contemple et se ressent. Elle possède un rayonnement qui t’atteint et te lie à elle. » C’est ce que ce roman nous fait ressentir, sous une pluralité de formes. Inflorescence nous remet un peu d’engrais, nous arrose d’eau fraîche et nous fait grandir à l’emblème des femmes de ce roman, fortes, indépendantes et aux racines robustes.
Raluca Antonescu, Inflorescence, Éditions la Baconnière, 2020, 257 pages,
26 CHF.