Voyages et dérives avec David Collin

Quelle cohérence ? C’est une question que le lecteur peut se poser quand il s’aperçoit que Vers les confins, le nouvel ouvrage de David Collin,est un recueil d’une vingtaine de courts « récits » dont la plupart ont déjà été publiés ailleurs. Cette interrogations’accentue lorsqu’on feuillette le livre : le récit de voyage se mêle à la prose poétique, le recueil est même terminé par un « épilogue » en forme d’essai. Alors, Vers les confins est-il un recueil cohérent de textes ou un mélange hétérogène destiné à récupérer des contributions de revue préexistantes ?

Etonnamment, les différents textes sont liés et proposent une réflexion sur le voyage, qu’il soit à destination de l’Asie ou qu’il se fasse sur le papier car « écrire est un voyage » et « c’est un voyage intérieur qui n’exclut pas la métaphore géographique, un voyage entre le monde réel et notre propre intériorité ». Ce qui rapproche les parties, ce sont les notions de barrière, de limite, de frontière, d’espace, dans la réalité comme dans la fiction. La juxtaposition des différents chapitres n’est pas un accident mais un acte conscient, Collin s’en explique dans son Epilogue : « La littérature se réinvente sans cesse. Comme le suggère Kafka, elle est capable d’abolir les séparations entre les genres littéraires tout en explorant les zones les plus inattendues du roman, de la poésie, de l’essai, du récit autobiographique ».

À propos de l’auteur

David Collin, né en 1968 à Annecy, est écrivain, producteur de radio à la Radio Télévision Suisse (RTS ), éditeur et membre du comité de rédaction de la revue littéraire lyonnaise Hippocampe .
Vers les Confins est son quatrième livre après Les cercles mémoriaux (L’Escampette, 2012), Train fantôme (Seuil, 2007) et Fleurs du mal : champ d’inquiétudes (avec Etienne Krahenbuhl, Gollin/Infolio, 2008). Il dirige également la collection « Imprescriptible » aux éditions Metispresses . David Collin vit à Fribourg.

Vers les Confins est aussi le titre de la première partie du livre, dans laquelle Collin présente des récits poétiques sur ses voyages en Asie. Il découvre le Transsibérien et la frontière, Shanghai et ses cocktails, Shillong et ses noms de famille, un alphabet Ouïgour à la limite de la poésie et du rêve, Delhi et cette « familiarité du lointain ». Mais attention ! Collin prévient son lecteur : il ne faut pas s’attendre à des notes de voyageur car « quinze voyageurs, quinze traversées différentes », l’intérêt n’est pas là. En effet : « A mon retour, je décidais de renoncer au récit de voyage. Je préférais raconter ce que je n’avais pas vu ou pas su voir ». Collin se sert de la littérature pour dépasser la simple évocation d’un souvenir de voyageur. Autre moment important du recueil, L’épilogue clôt le recueil de manière plus aride. En s’appuyant sur des auteurs comme Kafka ou Pessoa, Collin propose un petit essai qui s’interroge sur la littérature et l’idée de frontière, de confins qui a traversé tout le livre.

On l’a compris, Vers les Confins est un recueil de facture intellectuelle qui se destine plutôt à un public érudit. La lecture peut par moments demander des efforts. Certes, les références s’imposent quand un auteur réfléchit à l’acte d’écriture, mais Collin nous submerge par endroits, au point qu’il est obligé d’utiliser un système de notes dans l’Epilogue !

Le style forcément varie, puisque les genres alternent, mais quel que soit le chapitre, Collin reste clair et élégant: « Le désert s’était déplacé avec moi, je revenais sans revenir, je continuais mon voyage, oscillant entre deux nostalgies : celle du pays quitté et du voyage éteint, et celle plus indéfinissable du pays perdu ». L’auteur est souvent tenté d’user d’un ton poétique : « Ville, je te vois, je t’embrasse et me perds voluptueusement dans tes ressacs, dans ces flux de vie qui te traversent, et qui relient les vides aux vides ».

 Excepté peut-être le besoin constant de se référer à d’autres acteurs littéraires, Vers les confins est un recueil réussi au vu de son homogénéité thématique et du style clair et poétique malgré les contraintes de la forme.

 

David Collin, Vers les Confins, voyages, dérives, épiphanies, éditions Hippocampe, 2018, 145 pages, 22,90 CHF.

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