Ce roman est … quel est le mot ? Tiède.
Il ne donne ni chaud, ni froid, on en ressort tel qu’on y est entré·e : sur sa faim. Ce n’est pas qu’il faille être bouleversé·e à chaque page pour apprécier une œuvre, mais enfin ! Un peu de verve, ça n’aurait pas été de trop, loin s’en faut. Sans être mauvais, ce roman n’apporte rien de particulier, tant au niveau de l’intrigue qui n’offre aucune sorte de rebondissement, que du style qui n’ose pas l’originalité.
Toutefois, ne t’enfuis pas, ô toi, très cher·e lecteur·rice, mon semblable, mon frère (ou ma sœur ?), toi qui as déjà fait l’acquisition de ce livre et qui ne sais maintenant plus quoi en faire. Tout n’est pas à jeter dans cet ouvrage : il faut bien admettre que certains passages sauront réchauffer l’atmosphère moite, notamment ceux au sein desquels apparaît Katerina, une personnalité hors du commun, très colorée et pour le moins surprenante. Et puis, qui ne saurait apprécier quelques formulations bien tournées, çà et là ? Je ne suis pas restée froide face à l’esthétique des mots que lui adresse son époux : « Je ne te quitte pas, c’est toi qui es absente » ; ou encore ceux prononcés par Katerina lorsqu’elle confie l’histoire de sa mère : « Elle restait cachée derrière le bleu de ses yeux, elle avait été très belle avant d’être triste. »
Pour ceux qui n’auraient pas encore lu le roman (ou qui n’en auront peut-être jamais l’intention), celui-ci raconte l’histoire d’une femme dont la vie est chamboulée par le départ de sa fille Lucie, qui séjourne six mois à Berlin. Loin de son enfant, incapable de se définir autrement que par son rôle maternel, elle perd tous ses repères et entre dans une profonde crise identitaire où rien ne la satisfait jamais tout à fait. Le décor est posé : c’est le syndrome du nid vide, avec son lot d’errances, de remises en question et d’incertitudes. Envoyant valser son statut d’épouse et sa carrière de comédienne, elle rend visite à sa fille et découvre en Berlin une ville qui la touche beaucoup, empreinte d’une histoire folle, encore plus folle que Katerina, cette femme qui n’a pourtant déjà plus toute sa tête. La protagoniste y fait la connaissance de la drôle d’Allemande qui, de la plus étrange des manières, fera remonter à la surface une peur très ancienne, enfouie au plus profond de cette mère. Née d’une femme qui ne voulait pas d’elle, dans le contexte d’une Allemagne déchirée par la guerre froide, Katerina partage son histoire et celle de ses parents. Ces confidences ravivent alors de vieilles blessures chez son interlocutrice, car celle-ci n’a jamais réellement fait le deuil de sa propre mère, morte deux mois avant la chute du Mur de Berlin. C’est là, dans cette plaie qui n’a jamais vraiment guéri, que se joue la véritable rencontre des deux femmes : la présence d’une mère traumatisée par les horreurs de ce monde, puis son départ précipité. Présentée ainsi, l’intrigue peut donner envie. Et pourtant, bien que le sujet soit intéressant, il est pauvrement traité. D’une part, le rythme : terriblement lent, de ces lenteurs sans saveur qui vous perdent, dénuées de profondeur. D’autre part, l’autrice se perd dans des descriptions ternes, sans grand intérêt narratif ou stylistique, comme une anecdote que l’on raconterait sans trop savoir pourquoi. Enfin à tout ceci se rajoute la caractéristique la plus dérangeante de ce roman : la mollesse patente de la protagoniste, à qui l’on aimerait parfois prodiguer un bon coup de pied au derrière dans l’espoir de la raviver.
Pour autant, tout n’est pas aussi fade dans ce livre qui finit par croquer le personnage particulièrement loufoque et attachant de Katerina, cette vieille femme que l’on prend pour folle, elle « qui voit la peur au fond des êtres » et « pense que la plupart des gens sont des coffres blindés. Elle ne s’intéresse qu’à ceux qui laissent voir un peu de leur faiblesse. » Tantôt grave, tantôt drôle (et ce bien malgré elle), on ne sait jamais à quoi s’attendre face à la drôle d’Allemande qui ne mâche pas ses mots : « Ma pauvre, toi, tu es vert fané, un vilain vert qui devait être plus frais avant. » Et dans le flot de paroles sans fin qu’elle déverse à chacune de ses apparitions, le·la lecteur·rice a l’occasion de trouver, entre deux tirades abruptes, de surprenants éclairs de lucidité : « Les histoires, c’est des poupées russes. Tu en ouvres une, il y en a une autre dedans et encore une autre. Moi, tout au fond, j’ai trouvé celle de ma mère, une gamine morte à l’intérieur et qui avait peur tout le temps. » A la fois insolite et attachante, Katerina retient l’attention de celle ou celui qui, comme moi, s’apprête à reposer ce roman sur sa table de chevet. Figure d’autant plus fascinante qu’elle semblerait inspirée d’une personne réelle, si l’on en croit la page de remerciements de l’autrice. A vrai dire, j’aurais préféré rencontrer cette dame, plutôt que de lire sa simple description ; et si toi, bien aimé·e lecteur·rice, par miracle, tu venais à retrouver sa trace, je t’en prie, partons ensemble pour Berlin.
Marie Perny, Pourquoi Berlin ?, Editions de l’Aire, 104 pages, 25.-CHF.
Kaziwa Raim
Bonjour,
je suis l’auteur de ce livre si fade et vous prie de m’excuser de vous avoir tant ennuyée!
Juste une précision, Katerina est un personnage totalement fictif et n’existe que dans le livre. Je suis donc heureuse qu’elle vous ait plu!
sans rancune!
Marie Perny