Dans l’océan de récits qui nous parviennent, il est souvent facile de se laisser piéger par la simplicité apparente d’une couverture, d’un titre, ou même des premiers paragraphes. Vues d’intérieur après destruction d’Arielle Meyer Macleod n’échappe pas à cette règle.
À première vue, le récit attire par sa sobriété. La page de couverture, si importante au moment de l’achat d’un livre, présente humblement cinq maisons. Ces dernières sont dépourvues de détails, dans un paysage dénué de fioritures. La taille du livre est modeste, la police d’écriture généreuse et de nombreux espaces vides transpercent le texte.
Pourtant, Vues d’intérieur après destruction révèlent une profondeur insoupçonnée. Il suffit d’ouvrir le livre pour se sentir interpellé. L’auteur dévoile une mosaïque de thématiques : la puissance d’un foyer, l’intimité, la beauté destructrice de Beyrouth, l’amitié, la magie de la photographie, la figure paternelle. Quelle richesse !
La photographie – Arielle, la narratrice, qui se confond habilement avec l’auteure éponyme, ajoute au récit de nombreuses photos issues de sa surprenante enquête au Liban. Malgré des clichés à peine visibles, ces photos stimulent l’esprit, forcent à faire face à la réalité. Elles sont des traces qui insistent sur la beauté éphémère de la vie.
“Chaque fois, dans ce long couloir, je pensais au pouvoir fascinant et terrifiant de la photographie – une image arrêtée qui, ayant capté l’éphémère, ne cesse de dire ce qui n’est plus, de pointer ce qui ne reviendra pas.“
L’amitié – Cette histoire est aussi celle de Gabriel, cet ami parti trop tôt. Après sa disparition, Arielle part en pèlerinage dans un Liban dévasté. Cette enquête se révèle être une quête personnelle, la menant vers deux lettres troublantes : l’une de son père, l’autre adressée à son ami disparu. Ce voyage pousse Arielle au plus profond d’elle-même, l’amenant à se retrouver au travers de ses stigmates, à se voir de l’intérieur après destruction.
Le foyer – Et si, comme la page de titre semble l’indiquer, le personnage principal de Vues d’intérieur après destruction n’est ni la narratrice, ni Gabriel, mais le foyer de Gabriel ? Cette demeure est matrice, phare et récit en même temps. Comme pour les Buddenbrook, la maison est au centre de l’histoire. Elle incarne les forces centrifuges, mais aussi centripètes du foyer.
Malgré la richesse de l’œuvre, Vues d’intérieur après destruction risque de décevoir par le développement inconsistant de ses personnages. Cette lacune se manifeste par exemple dans le portrait de la mère d’Arielle dont la détresse laisse un goût d’inachevé. Ce bémol n’entache pas l’ensemble de l’œuvre, qui reste touchante et enrichissante. Vues d’intérieur après destruction se révèle être plus qu’un récit. Sous sa simplicité apparente se cache une profondeur captivante. Ce voyage invite le lecteur à plonger au cœur de l’intime, dévoilant des trésors insoupçonnés. Poignant !
Arielle Meyer Macleod, Vues d’intérieur après destruction, arléa, 2024, 94 pages, 29,10 CHF.