Intrigants, ces deux premiers épisodes de la saison une de Stand-by, non ? C’est l’histoire de l’explosion d’un supervolcan juste à côté de Naples. Grandes conséquences pour l’Europe, en à peine un épisode, recouverte de cendres, le trafic aérien bloqué. C’est dans cette ambiance de début d’apocalypse que Bruno Pellegrino, Aude Seigne et Daniel Vuataz nous proposent de suivre trois groupes de personnages dans ce qui s’autodécrit comme un feuilleton littéraire.
Synopsis
L’intrigue ? Alix Franzen, journaliste bloggeuse, bloquée à l’aéroport de Paris où son avion a pris feu ; Nora, Virgile et Vasko, trois adolescents coincés au Monténégro où ils se rendaient pour une histoire d’héritage, profitant de ces vacances forcées ; une dizaine de jeunes adultes de toute l’Europe bloqués au Groenland où ils participaient à des recherches sur le climat. Un objectif commun : rentrer chez eux. Mais tous se retrouvent à attendre, en stand by, à cause de la catastrophe dont certains n’ont même pas entendu parler.
À propos…
Bruno Pellegrino, Aude Seigne et Daniel Vuataz sont tous trois membres de l’AJAR, un collectif de jeunes écrivain-e-s suisses romands. Frédéric Pajak, écrivain et dessinateur est directeur des Cahiers dessinés, une maison d’édition rassemblant dessinateurs, peintres et auteurs de bande dessinée.
C’est assumé, Stand-byse revendique des séries télévisées actuelles, parmi lesquelles sont citées Revenant, Breaking Badou encore Black Mirror. Cette volonté de créer une série littéraire est clairement perceptible, qu’il s’agisse de l’événement fort marquant le début de l’histoire et autour duquel gravitent les personnages, ou encore de l’accent mis sur les relations entre ces personnages. Amours naissants, séparations, drames familiaux, flirts, qu’ils soient au même endroit ou à l’opposé de la planète, les protagonistes sont tous liés les uns aux autres. Ils se révèlent et se réalisent par leurs relations, dans l’ombre de la catastrophe.
S01, E01 : note 9/10
Le premier épisode est plutôt agréable ! Une narration dynamique et un récit nerveux, alternant entre les trois groupes de personnages. Le tout ponctué de courts passages descriptifs qui permettent de suivre en direct les événements de la baie de Naples, ajoutant des considérations scientifiques ou philosophiques :
Le terme « supervolcan » a été inventé par la BBC, il n’a aucune valeur scientifique. N’empêche, il en existe une dizaine sur la planète, de ces volcans héroïques, susceptibles de provoquer une éruption de niveau 7 ou 8 (l’échelle ne va pas plus haut) et de causer des dégâts inconcevables, des bouleversements climatiques drastiques sur le court et le long terme, voire des extinctions massives. On soupçonne l’homme de Néandertal d’avoir disparu à la suite d’une éruption des Champs Phlégréens.
Originaux, surprenants, ces interludes en italique ajoutent une touche ironique contrastant avec la violence de l’éruption. Il arrive même que l’on se retrouve à mieux saisir l’ampleur des événements que les personnages, inconscients du danger. Le livre crée ainsi empathie et même inquiétude.
Donc, une bonne quinzaine de personnages avec leur caractère propre et leur passé, auxquels on s’attache ; la thématique récurrente de la fumée : du volcan, des cigarettes de Nora et Virgile, de l’incendie anéantissant l’avion que devait prendre Alix, en somme une focalisation sur le climat ; une histoire ancrée dans le monde actuel par l’omniprésence des écrans et des termes informatiques, les références à la culture populaire, allant par exemple ironiser sur la sortie d’un film-catastrophe de Roland Emmerich juste avant l’éruption. Tous ces éléments font de ce premier épisode un bon divertissement teinté d’un suspense bien dosé qui crée l’attente de la suite.
S01, E02 : note 2/10
Alors ? Dommage. Ce second épisode ne comble pas les attentes suscitées par le premier. Qu’il s’agisse des cliffhangerstotalement désamorcés, de l’histoire qui n’avance pas ou de la surenchère de problèmes pour le groupe du Groenland, la mise en place des personnages et des situations qui semblait achevée se poursuit beaucoup trop lentement. Et pourquoi les interludes en italique ont-ils disparu ?
Si le style du premier ouvrage sait recréer l’atmosphère et la nervosité des séries télévisées, l’écriture à six mains – suivant une méthode analogue à celle des groupes d’écriture de scénarios – se heurte, dans le second épisode, aux limites de la transposition d’un média visuel à l’écrit. Sans aucune variation, pauvre, linéaire, le style est plutôt un non-style. Tentatives d’imitation d’un langage oral, reproductions maladroites d’habitudes quotidiennes, le dynamisme global du récit prend un coup. La description d’Alix déballant son McDonald illustre bien cette tension entre une volonté de toucher le lecteur dans ses habitudes et une volonté de conserver un style littéraire :
Le cheeseburger est déjà froid quand elle le sort délicatement de son carton – c’est sa faute, aussi, cette manie de toujours commencer par les frites. La langue brûlée par le sel, Alix mord dans le pain mou dont les graines imitent de façon convaincante le sésame, à défaut d’en avoir le goût. Instantanément, elle sent une poussée d’énergie envahir son corps […].
Résultat involontaire d’une écriture à trois ou parti pris stylistique d’aseptiser le texte pour mieux retranscrire un sentiment de spectateur de série télévisée ? Et les illustrations de Frédéric Pajak, aussi belles soient-elles, frustrent par leur petit nombre et contrastent avec cette écriture et ce récit, jusqu’à détonner radicalement par leur ambiance.
Déception des attentes, scénario qui ne décolle pas, style d’écriture plat, tout ça ne donne pas vraiment envie de lire le troisième épisode à sortir en juin 2018. Alors le quatrième ? Quidd’une seconde saison ?
Aminoël Meylan
Stand-by, saison 1, 1/4 et 2/4 – Bruno Pellegrino, Aude Seigne, Daniel Vuataz, illustrations de Frédéric Pajak.
Paru aux éditions Zoé en janvier 2018 pour l’épisode 1 et en avril 2018 pour l’épisode 2.
Prix : 19 CHF et 16 CHF.