« Émail diamant » se casse-t-il les dents ?

Chaque fois que j’écris le mot orthodontiste, je fais la même faute :
j’écris orthodentist
e
-qui me paraît beaucoup plus logique-

 

Émail diamant, le nouveau ouvrage de Fabienne Radi, édité chez art&fiction parle de dents, oui, mais pas seulement ; David Bowie, Bobby Discroll, James Matthew Barrie ou encore Georges Washington apparaissent dans ce livre original qui mêle réflexion, anecdotes et souvenirs. D’une couleur rouge vif, rappelant les gencives, avec une rangée de carrés blancs s’alignant sur le bord, l’apparence de l’ouvrage vient renforcer les indications de la quatrième de couverture : « Trente-deux récits à géométrie variable en rapport plus ou moins étroit avec les dents ». Que les petits lecteurs se rassurent, ce n’est pas un mastodonte ! Cependant, on regrettera l’impression que les dents sont des implants forcés plutôt que les pivots des textes.

Tous les textes ont un lien avec les dents, on y parle de sourire, de correction dentaire, de dentiste, de dentier et j’en passe. Cependant, à la lecture se dégage un sentiment étrange. On constate que souvent, les dents sont au centre de compositions très courtes ou finissent en périphérie des textes plus longs, au point où l’on se demande si cela n’est pas de l’ordre de l’anecdote. Si l’ouvrage a pour thème les dents, certains récits, souvent les plus conséquents, ne l’ont pas. Ce décalage est peut-être créé par l’apparence de l’objet qui vend la dent comme bien plus centrale qu’on ne l’aperçoit en définitive. La couverture et la quatrième de couverture ne mentent pas comme des arracheurs de dents, certes, mais on peut se sentir floué.

Au fil de l’œuvre, nous avons l’impression de suivre la carte mentale qu’a développée l’autrice autour du thème. On se surprend même à chercher le lien, on l’attend, on se demande s’il va revenir. Les différentes formes des textes participent aussi à cette surprise. On trouve ci et là de longues listes qu’on lit un peu suspicieux et soudain, la clef de l’énigme nous est donnée par le paragraphe final. Parfois, on trouve des récits plus longs, dans lesquels l’auteur semble avoir voulu utiliser la thématique des dents comme structure, mais à nouveau, cela apparaît comme un simple écho.

Les écrits aussi se regroupent ou se recoupent avec certaines figures qui vont et qui viennent : les membres de la famille de l’autrice apparaissent, tout comme ses expériences de jeunesse. Ces textes souvent longs tardent un peu à introduire les quenottes promises, ou alors, une fois que c’est fait, le récit continue outre mesure sans y revenir, ce qui peut faire grincer les dents à ceux qui en attendaient plus.

Ainsi le thème apparaît-il en dent de scie, tandis que des écrits personnels, touchants ou drôles se déroulent devant nous. Avec un tel ouvrage, on a quelque chose à se mettre sous la dent. En effet, si nous semblons avoir la dent dure, ce petit recueil reste sympathique et plus d’un passage nous a fait rire de toutes nos dents.

Cette œuvre à l’apparence singulière et au contenu variable offre cependant une expérience de lecture singulière, une sorte d’ovni armé jusqu’aux dents de jolis textes.

 

Fabienne Radi, Émail diamant, art&fiction, Genève, Lausanne, 2020, 171 p.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.