« Nos vies ont la grandeur et la fragilité des châteaux de sable,
dont les grains brillent d’un éclat inégal à la lumière du passé. »
Chère Lectrice, cher Lecteur,
Tu seras peut-être surpris par tant de familiarité. Seulement, tu comprendras je l’espère, qu’en ouvrant les pages de la Citadelle de sable, Frédéric t’invite à rentrer dans son intimité, si bien qu’il me semble impossible de vous vousoyer tous deux encore… Il te présentera des proses douces relatant la fragilité de la vie ainsi que ce qu’il en subsiste dans les mémoires. Cet ouvrage évoque la mort, une mort qui n’a pourtant rien d’oppressif et qui marque naturellement la fin de la vie. La fin ? Tu te demanderas peut-être si l’auteur n’a pas manqué d’imagination. Après tout, n’a-t-il pas écrit Bref éloge de la fin ? Sois rassuré, lecteur, Frédéric s’est réinventé. Adieu les titres, les avertissements et les index pour la forme ; quant au fond, on observe une continuité qui ne porte plus simplement sur un thème général, mais bien sur une sorte de trame. Citadelle de sable te propose de découvrir et de suivre Albert et Emma, les grands-parents de l’auteur, leur vie, leur fin, le souvenir qu’ils laissent.
Frédéric te fera découvrir à la fois ses racines entre la Belgique et le canton de Neuchâtel, ses émotions dues à ses expériences de jeunesse et d’enfance ainsi que l’imaginaire qui en découle. Portant sur le passé un regard tendre, jamais larmoyant, l’auteur présente des éléments de son passé personnel et familial. Tu liras sur la guerre, le football, le cinéma et aussi l’architecture parmi d’autres sujets. Ces derniers, mélangés aux lieux communs dans une alchimie soutenue par le style, permettent une identification rendant la réflexion accessible à tous. Au fil du texte, nous nous forgeons tous notre représentation d’Emma et Albert que le « tu » de la narration rend familiers. À la manière des souvenirs de l’auteur, nos représentations de ces personnages se voient teintées d’une forme de tendresse que la brievetée de l’œuvre conserve.
Parlons de l’objet. La couverture écrue porte sobrement le titre couleur sable. Le papier un peu rugueux semble craindre la moindre blessure de graphite. Cet aspect de faiblesse, de fragilité, renforce le propos de l’œuvre. Conséquence hasardeuse du choix éditorial, mais est-ce si grave dans une prose au sujet de la vie et de ses aléas ? Derrière sa couverture couleur parchemin, le petit ouvrage compte cent-onze pages. Les textes ne se déploient que sur les pages impaires, renforçant ainsi leur indépendance. Cependant, la trame continue qui se déploie à travers toute l’œuvre assure la cohérence de l’ensemble. Les proses apparaissent comme les partitions de l’œuvre, chaque texte valant pour lui-même et en tant que membre d’un tout. Citadelle de Sable présente un contraste entre fond et forme : son apparence faible cache un contenu fort qui prendra d’assaut même les cœurs de pierre.
Frédéric Mairy, Citadelle de Sable, Édition d’autre part, Genève, 2019.