Une brume rouge s’abat sur la Romandie

La Suisse est un si beau pays. On peut y découvrir la petite ville de Neuchâtel avec son lac et sa vue sur les Alpes, admirer le calme du Léman bordé par les montagnes françaises aux sommets enneigés, observer le panorama le plus complet de Suisse romande au somment du Moléson ou encore déambuler le long des falaises vertigineuses du Creux-du-Van. Voilà la Suisse dépeinte par Nicolas Feuz dans Brume Rouge.

Seulement, la plume de celui qui est procureur neuchâtelois le jour et écrivain de romans policiers le soir parvient à semer le chaos dans ces décors idylliques. Son nouveau polar s’inscrit dans la continuité de ses écrits précédents racontant les enquêtes du procureur Jemsen. Empêtré dans des secrets personnels, ce qui trouble parfois l’aspect un peu lisse de l’appareil judiciaire, et rend le magistrat d’autant plus intéressant. Certaines allusions au passé du protagoniste peuvent toutefois constituer un frein pour celles et ceux qui ne connaitraient pas les autres romans de Feuz. Sans l’arrière-plan nécessaire à la compréhension des anecdotes qui gravitent autour de Jemsen et de ses collègues, il est parfois difficile de saisir toute l’intrigue. C’est particulièrement le cas avec le personnage de Tanja qui demeure très mystérieux pour un nouveau lecteur ou une nouvelle lectrice qui se plonge pour la première fois dans l’univers de Feuz.

Le procureur Jemsen est sur la piste de Matthias Hodler. Climatosceptique convaincu dans une époque où les manifestations pour le climat sont de plus en plus fréquentes et médiatisées, ce personnage est en décalage total avec le reste de la société et le revendique. « Dans le parking de la gare de Neuchâtel, Matthias retrouva sa voiture, un gros SUV à l’efficience énergétique classée G., le pire rapport entre consommation d’essence et émissions de CO2. Il payait des taxes en conséquence, mais l’argent n’était pas un problème pour lui. Sa haine des moutons verts valait bien ce genre de sacrifice. » Matthias est en réalité tellement opposé à ce mouvement en faveur du climat qu’il se lance dans la traque de toutes les personnes prénommées Greta, pour intimider Greta Thunberg qu’il perçoit comme un instrument de cette lutte.

Construit à l’image d’une série télévisée à succès, l’ouvrage de Nicolas Feuz alterne entre Jemsen et Matthias Hodler, à l’aide de flashbacks pour comprendre comment le tueur en arrive à commettre les crimes qui sont les siens. L’auteur ne lésine pas sur les détails entourant la procédure de l’enquête, mais également sur les dégâts qu’un meurtrier peut engendrer. Les scènes sont si bien décrites que le lecteur peut facilement s’imaginer à la place du procureur Jemsen. Mais attention, le vocabulaire et la minutie des descriptions font parfois tomber Brume Rouge dans le gore, il faut donc avoir le cœur bien accroché.

La lecture de l’ouvrage se fait rapidement. On souhaite découvrir la suite de l’intrigue et on se retrouve happés par l’écriture et les différents effets de suspense savamment introduits par Nicolas Feuz. Tout est efficace et bien construit. De plus, l’enchaînement de l’action est ancré dans l’espace suisse romand, ce qui fait que le lecteur ou la lectrice se sent chez lui. Il pourrait même être tenté de redécouvrir certains des lieux mis en évidence par Feuz. Cet ouvrage est donc recommandé à toutes les personnes connaissant l’univers du procureur neuchâtelois, mais également aux lecteurs et lectrices avides de polars angoissants ou aux personnes souhaitant entreprendre un voyage à travers la Romandie, entachée du sang des victimes de Matthias Hodler.


Nicolas Feuz, Brume rouge, Genève, Slatkine, 2022, 235 p., 28 CHF

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.