De l’évolution d’un quartier à un corps 

Dominique Mercier, médecin au CHUV, nous fait découvrir rétrospectivement le quotidien des étudiants, les bizutages, les changements opérés dans le corps étudiant. Leur propre évolution. Anna est une jeune femme ambitieuse qui travaille au Brother Burger. Avant le départ de Dominique pour Galway, quatre ans auparavant, ils étaient amants. Mais ça, c’était avant. Aujourd’hui, leurs regards se croisent à nouveau et tout change. 

Après leur rencontre impromptue, Dominique entame une profonde remise en question : qui est-il ? Que fait-il ? Pourquoi continuer à être médecin ? Ne pourrait-il pas travailler lui aussi au Brother Burger ? Après avoir croisé Dominique, Anna se réveille de sa passivité et démissionne de ce travail qui lui “fait découvrir de nouvelles limites à [son] corps : brûlures, tendinites, courbatures, contractures”. 

La Fabrique du corps humain est le premier roman de Jérémie André, médecin psychiatre à Vevey. Le titre est celui du célèbre ouvrage d’anatomie d’André Vésale, médecin du XIVe siècle et réformateur de la dissection. Dissection, qui, dans le roman, est pratiquée sur le corps et l’âme de nos protagonistes. Et également métaphoriquement sur le Flon, ce corps ramifié en constante évolution, depuis le XVIIIe siècle jusqu’au XXIe siècle. Cependant, le parti pris d’introduire Vésale dans le roman n’est pas reflété distinctement. 

On sent l’ambition du texte, la volonté d’en faire un “roman social au coeur de Lausanne” grâce à la première partie de l’oeuvre. Cet incipit emmène le lecteur dans le quartier du Flon du XVIIIe siècle en retraçant l’histoire de la famille Mercier, les ancêtres de Dominique. Cette partie est passionnante, pleine d’anecdotes. Elle est pour moi la partie la plus réussie du roman. Elle sert à montrer que le regard que nous portons sur notre corps dépend de notre propre histoire, notre classe sociale et de nos expériences. Mais je regrette cependant qu’elle n’ait pas plus de lien direct avec les personnages. L’influence du passé se limite à un nom, Dominique Mercier, et à un fast food dans le quartier du Flon. Le roman paraît décousu, il est difficile de faire des liens entre les parties, ce qui est frustrant. 

Le style d’écriture est sobre et facile à lire, les transitions entre passé et présent le sont moins. Dommage. Celles-ci ont tendance à perdre le lecteur. De façon générale, ce roman mériterait davantage de profondeur et d’originalité.

Au travers de ces cent-trente pages, La Fabrique du corps humain met le doigt sur différents maux inhérents à notre société que sont l’angoisse, la dépression, la discrimination et la victimisation sans pour autant y aller en profondeur. 


Jérémie André, La Fabrique du Corps Humain, Olivier Morattel Éditeur, 2023, 132 pages, 28,10 CHF.


Crédits de l’image : https://printler.com/de/poster/101915/ http://well-livinglab.be/andre-vesale-precurseur-de-lapproche-living-lab/

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